| C'est l'histoire d'une vie Vous connaissez ce sentiment ? Celui que vous avez quand vous avez 15 ou 16 ans et qu'on vous montre une photo de vous le jour de votre naissance, dans les bras de votre mère. Ce sentiment qui s'empare de vous quand vous lisez au dos de la photo, la date imprimé. Ce sentiment quand vous vous dites "Je ne m'en souviens pas.." et que pourtant ça vous ait arrivé. Et bien, moi j'ai toujours ce sentiment à chaque fois que je regarde ma photo. Cette photo où est imprimé au dos "7.9.87" et où l'on voit, non pas ma mère et moi mais Marilyn et moi. Cette photo toute simple, avec ces deux enfants, un bébé et une petite fille d'un an tout juste, couchées l'une dans les bras de l'autre, sur un lit d'hopital. J'aime cette photo car elle représente surement le seul moment dans ma vie où je me suis sentie à ma place. Je le sais même si je ne m'en souviens pas, je le sais. Aujourd'hui ma vie n'a rien à voir avec ce moment de quiétude, d'innocence et de pureté absolument. Je ne suis plus dans les bras de ma soeur, je ne suis plus un bébé ni elle une enfant, je n'ai plus les yeux clos et je ne pense plus que la vie sera belle et longue et aussi chaleureuse que les bras de Marilyn.Aujourd'hui je sais, je sais que la vie me hait, qu'elle n'est en rien belle. En rien. Enfin vous voulez peut être savoir pourquoi je pense ainsi ? D'accord. Alors voilà mon histoire.
-Et maman ? -J'en sais rien Phili, j'en sais rien. Un silence pesant se créa dans la cuisine. -Mange vite ou ça va refroidir et tu sais bien que c'est pas bon froid. Nous sommes en février 93 à Florence. Il fait à peine 5 dehors et dans le petit T1 où vivent ces deux petites de 6 et 7 ans, il fait 5 ou 6 degré de plus qu'à l'extérieur. Ces petites c'est moi et ma grande soeur, Marilyn. Je commence mon histoire par ce souvenir parce qu'à mes yeux il est le plus flagrant de mon quotidien étant enfant et aussi il montre que même petite j'avais déjà une mère super absente, une vie pas si facile et que je ne parlais pas ou peu. Mon plus lointain souvenir date de mes 4 ans je crois et déjà là, elle n'était jamais là. A la maison on n'avait pas d'adulte, ou rarement. Des fois une soeur à elle, une voisine, un voisin, un oncle, venait et prenait soin de nous pendant 1 jour, 1 week end, 1 semaine. Et quand on demandait "Et maman ?" c'était toujours la même réponse "Elle va arriver" mais elle n'arrivait jamais. Elle n'est jamais arrivé. Je ne sais pas, encore aujourd'hui où elle passait toutes ses journées loin de nous, toutes ses nuits hors de l'appartement. Tout ce que j'ai toujours su sur elle, c'était que c'était la femme sur la photo dans le salon. Une jeune femme châtain, avec des yeux noisettes, un sourire las et un regard fatigué. Rien de bien enthousiasment, mais toute mon enfance je me suis dit que j'aimais cette photo, que j'aimais cette femme, que j'aimais cette personne et qu'elle m'aimait en retour. J'ai vu un psy une fois qui m'a dit que je ne m'aimais pas parce que je n'ai jamais eut de mère pour m'aimer, de père pour me chérir, de maman pour me cajoler, de papa pour me dire que je suis la plus belle. Il avait peut être raison, ou alors il avait tord. Je n'en sais, je ne sais pas, j'ai jamais su et je ne saurais surement jamais. Tout ce que je suis capable de dire c'est que ma vie est ainsi faite. Sans mère, sans père, sans amour, sans beauté, sans rien. Mais bon, passons le coté mélodramatique, c'est ainsi et je n'y peux vraiment rien. On va passer les dix années qui suivirent avec le même quotidien triste et éclairé par la seule joie d'être avec une soeur gentille, protectrice, qui tenait à moi et qui m'a élevé pour devenir quelqu'un de bien. Elle est tout ce que j'ai toujours eut et tout ce que je veux avoir. Si un jour je la perdais je pense que le seul fil qui me fait encore marcher et vivre aujourd'hui se couperait et je ne serais plus rien. Excusez moi, me revoilà dans mes idées noires comme disait ma soeur. Bon donc j'en étais au fait que nous avons vécu une dizaine d'années dans la même situation. Et encore, le problème était surtout l'école. Là bas, les filles me regardaient de haut et les garçons ne me regardaient même pas. D'ailleurs il n'y avait rien à regarder. Regardez moi, vous voyez vraiment quelque chose d'intéressant. En tout cas si vous trouvez quelque chose comme Nate Navelli, dites moi ce que c'est. Qui c'est Nate Navelli ? Ah.. euh..oh..Nate c'est... une longue histoire et puis une douloureuse histoire surtout. En fait, quand j'avais 16 ans, au lycée, à Florence, il avait ces bandes vous savez : les cool, les intellos, les sans réputations, les garces et les autres. Parmi les autres, il y avait moi et parmi les cool il y avait Nate Navelli. Son père était bijoutier et sa mère vendeuse dans une boutique de luxe. Mignon, sympa, drôle, convoité, tout du parfait BCBG que toutes les filles aimeraient voir s'asseoir à coté d'elles, les saluer, leur faire la bise. Et bien un jour, CE gars que toutes voulaient et venu ME voir et vous savez ce que j'ai récolté ? Au début rien à part de faire des envieuses, ensuite le plaisir d'avoir enfin un garçon qui me trouvait mignonne et pour finir la plus grosse humiliation de ma vie. Je ne veux même pas raconté ce qu'elles m'ont fait ! Ces garces m'ont humilié devant tout le monde, à plusieurs reprises, si bien qu'à la fin le message était clair : moi et Nate c'était une histoire qui n'avait même pas lieu d'être. Après ça je me suis réfugié dans la danse et dans la déprime. La danse parce que c'est ma passion, ma façon de montrer au monde que je suis là, vivante et que je virvolte, je vole dans mes petits chaussons. La déprime parce que j'ai du me rendre à l'évidence que je n'étais rien pour personne et que jamais je n'intéresserais personne. D'après les médecins qui m'ont ausculté et qui ont déclaré mon ..anorexie, c'est de là d'où vient le problème. Mais je vois pas de quoi ils parlent tous. Mais je ne vois pas comment un évènement, bien que marquant, tourmentant, gênant, humiliant et affreux quand j'avais 16 ans, puisse être en rapport avec ce qui m'est arrivé, ce qui m'arrive depuis que j'ai 21 ans ! Surtout que je ne suis pas si maigre ! Pas de là à dire que je suis osseuse ! Ah non, j'ai encore de la chair, je pèse un poids normal et d'ailleurs j'ai l'impression que j'ai des cuisses de grenouilles des fois, c'est moche, après je n'ai pas à m'étonner si les garçons ne me regardent pas ! Et ce dans tout le monde entier, du moins dans les pays où je me suis rendue. Car après que Mari m'est emmené chez 3 ou 4 médecins, qu'ils aient tous décrété que j'étais anorexique, je n'ai pas supporté qu'elle soit toujours à me dire qu'il fallait que je mange plus, que je fasse ci, ça, que si je voulais parler elle était là. Je savais déjà tout ça. Mais elle était toujours au petit soin pour moi et ne s'occupait pas aussi bien d'elle. Si j'ai prit le large, si je me suis éloigné c'est pour qu'elle se concentre plus sur elle, je ne suis plus une enfant et je me rend compte aujourd'hui que toute ma vie je l'ai étouffé, bloqué, empêcher d'avancer ! Dans mes voyages, je me suis arrêté aux USA. Là bas j'ai rencontré Josh,un américain qui m'a servi de guide très gentiment. Je dois avouer que c'était le premier gars avec qui, depuis longtemps, j'ai réussi à aligner plus de deux mots et j'ai apprécié être. En fait je m'étais paumé (c'est le cas de le dire) dans Los Angeles et comme là bas je ne connaissais personne ça n'a pas été simple de trouver quelqu'un pour me montrer le chemin. Heureusement que j'ai croisé Josh sinon qui sait ce qui me serait arriver. En plus si je ne l'avais pas rencontré j'aurais raté une personne gentille et avec qui je suis,bizarrement, plus à l'aise qu'avec n'importe qui d'autre. D'ailleurs de tous mes souvenirs de LA, un m'est bien resté en mémoire : le baiser qu'on a échangé quelques jours avant mon départ. C'était la première fois que je n'avais pas d'appréhension, de peur avec un gars et ce baiser était la preuve que ça aurait pu aller. Mais il voulait qu'on parle de ce que les gens appellent ma "maladie". Je ne voulais pas, et plus je refusais, plus je me rendais compte qu'en fait j'étais vraiment malade et que les raisons qui m'avait pousser à partir d'Italie étaient stupides. J'avais prit le large parce que Marilyn me disait que j'étais malade et je ne la croyais pas mais en fait elle a raison. C'est pour ça que je suis de retour à Florence, c'est pour ça que je reviens vers elle,parce que je sais qu'elle peut m'aider. Je le sais et j'espère avoir raison. En plus en Italie je retrouverais peut être des gens que je connais, des amis ? de la famille ? quelque chose en plus... qui sait ? |