Je marchais dans les rues de Florence. J'y venais souvent avant. Autrefois, quand j'étais encore jeune et insouciante. Quand j'étais encore une petite fille. Cela faisait quelques heures seulement que j'étais de retour dans cette ville qui a abrité les vacances de mon enfance. Cette ville ou mon père a un Manoir. Cette ville où aussi j'avais été brimée et pointée du doigt. J'étais curieuse de savoir si on se souviendrait de moi. J'avais roulé depuis trois jours dans mon petit coupé cabriolet rouge vif. Oui j'aimais ça. Le vent dans les cheveux, une paire de lunettes de soleil teintées sur le nez. Et mon passeport russe en poche. Celui avec mon nom à rallonge dessus. Ils étaient toujours bien embêtés quand il fallait le refaire. La tournée internationale s'était terminée à Paris et j'avais pris mon temps pour descendre jusqu'à la ville de l'amour m'arrêtant au gré de mes envies là où je voulais. Ou j'en ressentais le besoin. J'aimais ça.

J'étais en ville depuis même pas trois heures, mais j'avais déjà déposé mes valises au Manoir. J'avais pris le temps de me changer pour quelque chose d'un petit peu plus chic que le jean et la chemise rouge qui m'avaient accompagné le long du voyage. J'avais passé une robe blanche légère qui dévoilaient mes jambes et me faisaient une taille fine. Les cheveux relevés en une queue de cheval brouillonne et une légère étole au cou je descendais en voiture jusqu'à la ville. Je brûlais d'impatience de savoir si le Restaurant Belladona de mon souvenir était le même. Garée sur le parking je mis une nouvelle fois les lunettes de soleil. Ca ne me cacherait pas beaucoup cela dit, ce n'est pas les yeux que l'on remarque chez une danseuse comme moi. C'était surtout la silhouette. Et le pas. Enfin la démarche quoi. La tête haute j'entrais dans le café de mon enfance et commandant un cappuccino je m'assis à une des tables en attendant ma commande. Je mis mon baladeur sur les oreilles. Le Lac des Cygnes. Un ballet merveilleux, une musique sublime. Des notes qui m'envolaient ailleurs … à chaque fois. Je ne remarquais à peine les gens autour de moi. Me reconnaissaient ils? Aucune idée? Ils auraient deux raisons de le faire, mais je préférait mon anonymat. J'espérais qu'on ne vienne pas me déranger. Après tout je venais juste d'arriver et je n'avais jamais eu de réel ami en ces lieux. Qui pourrait bien venir me déranger ici!?

Florence, ma vie ma ville. Cela ne faisait pas longtemps que j'étais revenu... en fait je ne comprenais pas totalement encore pourquoi j'étais partie. Je n'avais toujours pas encore fait vraiment le point : est-ce-que j'étais le problème, ma soeur était le problème ou juste ce que j'étais..ou plutôt je suis. C'est d'ailleurs étrange de revenir après tout ce temps en dehors du pays.. de la région et de la ville.
J'avais enfilé mes chaussons de danse ce matin dans l'espoir de pouvoir faire quelques pas de danse sans avoir personne pour me déranger. Sauf qu'il y avait eut le facteur venu déposé un colis, puis la gardienne de l'immeuble venu s'assurer que j'étais bien installé, puis la voisine du dessous qui trouvait la musique classique agaçante et qui ne voulait plus entendre le Lac des Cygnes de la journée. Pourtant c'était l'un de mes ballets préférés ! je ne pensais pas que qui que ce soit sur cette planète puisse ne pas l'aimer. Énervée, je pris mon sac sous l'épaule, après m'être changé, et je sortis me balader n'ayant pas envie d'être à nouveau importuner et bien décidé à être au calme.
Mes pas me conduisirent jusqu'à un restaurant le Belladonna. Même si je n'y étais jamais allé j'avais tout de même la forte impression que je l'apprécierais, après tout c'était un restaurant italien donc il devait y avoir quelques unes de ces spécialités que j'aimais tant et qui me rappelais les soirs comme Noël où je dînais avec ma soeur quand elles avaient assez de sous. Aujourd'hui je n'avais pas envie de manger quoi que ce soit de copieux donc je me suffirais surement d'un latte.. ou plutôt d'un café. Un petit café serait amplement suffisant. Le latte c'est trop sucré et j'ai du mal avec le sucre...
La tête dans mes pensées je franchis le seuil de l'établissement et commanda un expresso directement au comptoir. Quand je la vis. Qui ça "la" ? Et bien elle, ma danseuse préfère, celle qui ferait valser la plus débutante des danseuses d'une façon magnifique. Je ne savais pas si il fallait que j'aille lui parler, peut être voulait elle la paix...et même que faisait-elle à Florence... cela faisait longtemps qu'elle était là ?
Sans m'en rendre compte, ma tête débordant de questions j'avais commencé à m'avancer vers mon "idole" parmi les danseuses étoiles et sans même y réfléchir un "Bonjour" venait de sortir de ma bouche.